Thrombose : la suspension du vaccin AstraZeneca relance les interrogations sur la pilule

18 mars 2021 à 8h27 par Iris Mazzacurati

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Dans le cas des pilules, le risque de thrombose est connu et pris en compte lors de la prescription.
Crédit : CCo - Photo d'illustration

Pourquoi suspendre l'AstraZeneca par crainte de thromboses, mais pas certaines pilules contraceptives, pour lesquelles ce risque est avéré ? La question monte dans le grand public, mais les spécialistes la rejettent. Explications.

Il y a "deux poids, deux mesures", a dénoncé mercredi 17 mars l'Avep (Association française des victimes d'embolie pulmonaire et AVC liés à la contraception hormonale).

Cette association "s'étonne de l'indifférence dans laquelle sont traitées les milliers de femmes victimes de thrombose et d'embolie à cause de leur contraception en France et en Europe". De nombreux messages similaires ont été publiés ces derniers jours sur les réseaux sociaux, parfois avec ironie...



"Je pense qu'on ne peut pas tout mélanger", répond l'infectiologue Odile Launay, membre du comité sur les vaccins Covid créé par le gouvernement français.

Comme toujours quand il s'agit de médicaments, la question essentielle est celle de la balance bénéfice-risque, c'est-à-dire savoir si les avantages l'emportent sur les inconvénients.

Dans le cas des pilules, le risque de thrombose est connu et pris en compte lors de la prescription. Or, ce n'est pas le cas pour le vaccin d'AstraZeneca, qui est un produit nouveau.

"On doit absolument préciser le rapport bénéfice-risque" du vaccin, souligne la Pr Launay.

Tout est dans la notice

"Les thromboses, même mortelles, sont connues pour être un effet secondaire très rare des pilules contraceptives. Elles sont mentionnées dans la notice d'information destinée aux patients", explique l'institut médical Paul-Ehrlich, qui conseille le gouvernement allemand.

"Chaque femme doit être informée de ce risque par le médecin qui lui prescrit la pilule", poursuit cet institut dans un document très pédagogique sur le vaccin AstraZeneca mis en ligne mardi.

La situation est différente dans le cas de ce vaccin, pour lequel "on suspecte actuellement qu'il puisse y avoir un effet secondaire très rare et parfois fatal, des thromboses veineuses cérébrales (caillots sanguins dans le cerveau, ndlr) accompagnées d'un déficit de plaquettes", ajoute l'institut Paul-Ehrlich.

Pour l'heure, rien ne prouve qu'il y ait un lien entre le vaccin et ces problèmes très rares. L'EMA, qui reste "fermement convaincue" des avantages du vaccin, doit se prononcer à nouveau jeudi, après avoir examiné les données transmises par les différents pays. En attendant, plusieurs ont suspendu le vaccin.

Mais même si ce lien était confirmé, l'EMA et les autorités sanitaires de chaque pays pourraient malgré tout décider que "le vaccin peut continuer à être utilisé, bien qu'il puisse causer cet effet secondaire très rare (en l'ajoutant, si nécessaire, dans la notice)", conclut l'institut Paul-Ehrlich.

Dans ce cas de figure, les autorités sanitaires estimeraient que la balance bénéfice-risque continue de pencher du côté du vaccin.

"Tenir compte des facteurs de risque individuels"

C'est la position qu'elles ont adoptée vis-à-vis des pilules, ou "contraceptifs oraux combinés" (COC), malgré le risque avéré de thromboses, en particulier avec les plus récentes (dites de 3e ou 4e génération).

"Les bénéfices des COC continuent à l'emporter sur les risques", explique l'EMA sur la page de son site internet consacrée à ces médicaments.

En plus de mentionner le risque, leur notice pointe les facteurs qui peuvent l'aggraver, comme l'âge, la consommation de tabac, les antécédents familiaux ou l'obésité.

Selon l'EMA, les médecins doivent "tenir compte des facteurs de risque individuels lorsqu'ils prescrivent un contraceptif", et chaque femme doit "discuter avec son médecin pour déterminer le type de contraception le plus approprié".

Plusieurs études ont montré ces dernières années que les pilules les plus récentes augmentaient le risque d'accidents par thrombose veineuse.

D'après une étude britannique de 2015, le risque pourrait être multiplié par deux par rapport aux femmes prenant des pilules plus anciennes, et par quatre par rapport à celles qui ne prennent pas la pilule.

Des femmes victimes de ces accidents ont saisi la justice. L'un des cas emblématiques est celui de la Française Marion Larat, lourdement handicapée après un AVC en 2006 qu'elle attribue à la pilule Méliane, du laboratoire pharmaceutique allemand Bayer.



(Avec AFP)