Beyrouth : alors on danse !

Publié : 16h25 par Ludovic VILAIN

Crédit image: Beyrouth

Beyrouth, c'est cette ville qui danse toujours un peu trop fort, un peu trop tard. Faire la fête n'est pas un choix : c'est une nécessité. Entre crises politiques, explosion du port en 2020 et économie en chute libre, la capitale libanaise continue de vibrer au son de l'électro.

Voilà le portrait d'une scène qui refuse de s'éteindre. A Beyrouth comme ailleurs au Proche-Orient, la vie ne s'arrête jamais et elle continue même dans les heures les plus sombres du pays. Une tradition de la fête qui peut trouver des origines au plan local mais qu'on retrouve souvent partout sur la planète. Preuve non pas forcément que la musique électronique adoucit les moeurs mais qu'elle permet en tout cas de s'évader et de supporter un quotidien pas toujours facile.

L'histoire commence au milieu des années 90, après les conflits qui ont marqué le Liban. Nicole Moudaber lance Trashy Renaissance, des soirées underground où chrétiens, musulmans et personnes queer dansent ensemble entre une mosquée en ruine et une église. Paul Van Dyk et Anthony Pappa viennent mixer sous protection militaire. Mais peu de temps après, l'aventure s'arrête brutalement. Premier enseignement : Beyrouth construit, se fait censurer, puis renaît.

En 1998, le B018 ouvre ses portes dans le quartier de la Quarantaine. Ce club bunker devient LE lieu de passage obligé. Son toit s'ouvre la nuit pour laisser voir les étoiles. Puis viennent The Basement, Uberhaus, The Grand Factory. Au début des années 2010, c'est l'âge d'or. Beyrouth devient LA référence électronique du Moyen-Orient, programmant chaque semaine des artistes internationaux.

Le Ballroom Blitz, ouvert en 2018, incarne cette époque. Trois salles, trois ambiances : lobby disco-house, main room techno et la mythique Gold Room avec le meilleur sound system de la région. DVS1, Nastia, Boiler Room... Le lieu accueille têtes d'affiche et talents locaux. Sortir à Beyrouth, c'est vivre un rituel  total avec des scénographies monumentales qui changent chaque nuit.

Mais en 2019, tout s'effondre. Le pays bascule dans une crise économique historique. Puis vient l'explosion du port le 4 août 2020 qui pulvérise la Quarantaine et ses clubs. Le Garten ferme définitivement, le Ballroom Blitz peine à rouvrir.

Pourtant, la scène se réinvente avec détermination. Des collectifs underground comme TeknoAnd, Follow The Rino ou Forestronika organisent des raves dans des entrepôts désaffectés ou en pleine nature. La Cabana, expérience unique dans les montagnes réunit chaque été un groupe restreint. Ces nouveaux formats rappellent les débuts de la culture électronique libanaise.

À Beyrouth, danser n'a donc jamais été qu'une simple question de plaisir. C'est une véritable résistance, une manière de suspendre le chaos ambiant. Quand les drones survolent la ville, les clubbers continuent de bouger. Parce qu'ici, chaque fête peut être la dernière. Et c'est précisément pour ça qu'on danse.