Ayor Group : "des douches à la technologie économique, environnementale et sociale"

19 septembre 2020 à 5h00 par Iris Mazzacurati

VOLTAGE
Crédit : Pixabay - photo d'illustration

A l'occasion du Big Tour Bpifrance qui met a̬ l'honneur l'innovation et le savoir-faire entrepreneurial français, partons à la découverte d'Ayor group, et de son président, Mickael Hammel.

Voltage : Ayor est une entreprise familiale spécialisée dans la gestion de l’eau dans l’habitat, qui a plus de 70 ans ; "innover", c’est ce qui lui a permis d’être à la pointe toutes ces années ?

Mickael Hammel : C’est un peu l’ADN du groupe que d’innover. La société a été créée par mon grand-père en 1949, développée par mon père ; et puis mon frère et moi avons repris la société, il y a maintenant 4-5 ans. L’entreprise a toujours innové par son business model, par son positionnement et par ses produits.
Historiquement, nous avons été parmi les premiers à faire de la vente par correspondance, alors que nos concurrents étaient surtout présents sur des circuits de ventes traditionnels. Cela nous a permis un positionnement rapide sur le e-commerce. Par la suite, nous avons beaucoup innové dans le produit, avec cette verticale produit qui vend l’arrivée de l’eau dans le logement jusqu’à la salle de bains. Et donc, nous investissons beaucoup dans la recherche et le développement, en créant un lab et en investissant, chaque année, 3 millions d’euros dans nos produits. L’innovation, sur son business model, sur ses produits dans son organisation, c’est un peu notre marque de fabrique.

D’autant que dans votre domaine de la gestion de l’eau dans l’habitat, l’innovation est en plein boum, avec l’essor de la domotique notamment, et les exigences écologiques qui évoluent… ?
De plus en plus de nos produits sont connectés. Nous en avons lancé beaucoup sur le marché ces dernières années. En ce moment, nous lançons une box de traitement de l’eau pour donner de l’information aux particuliers sur la qualité de leur eau ; ceci pour leur donner des informations qui leur permettront de réagir sur le traitement du calcaire ou du chlore dans l’eau de la maison. La domotique, les objets connectés, les objets intelligents sont bien entendu une composante de notre stratégie d’innovation.
La deuxième composante concerne la préoccupation environnementale. Chez Ayor, on intègre cette dimension de façon très importante dans notre stratégie d’innovation par le prisme de produits soucieux de l’environnement, à la fois dans l’énergie qu’il consomme : beaucoup de nos produits permettent d’avoir une consommation d’eau plus responsable, plus économe. Nous avons récemment développé une douchette présente dans notre douche Elmer. Elle propose un système de réduction de la consommation d’eau avec une diffusion par microgouttelettes qui permet de conserver la sensation d’une douche classique, mais en faisant 30 à 40 % d’économie.

Justement, quelle est la particularité d’Elmer. C’est votre produit phare ?
C’est le produit emblématique de la transformation de notre groupe ces dernières années. Il y a 5-6 ans, nous nous positionnions dans les produits "derrière le mur", c’est-à-dire des produits techniques, orientés vers les professionnels. Mais nous avons beaucoup développé les produits apparents ces dernières années, comme la douche Elmer, par exemple. Elle a remporté le prix de l’innovation au CES de Las Vegas en 2018 et nous avons reçus beaucoup de prix, notamment au Salon Équipe Hôtel et dans la profession… C’est donc un produit qui a eu beaucoup d’échos parmi les professionnels. Il a été véritablement lancé fin 2019. Nous avons également eu la chance de participer à l’exposition « Fabriqué en France » à L’Elysée, en janvier 2020. Notre produit, qui connaît un vrai succès, correspond aussi aux enjeux de l’innovation sociale, de la dépendance, du vieillissement de la population. Il permet de transformer les baignoires en douches et de rendre plus accessibles les salles de bains aux personnes en situation de dépendance ou en mobilité réduite. C’est donc un produit éligible au plan action logement qui a pour projet de rénover 500 000 salles de bains pour les personnes en situation de dépendance, le grand âge ou les personnes à mobilité réduite. C’est un plan gouvernemental qui a été lancé fin 2019 et se poursuivra jusqu’à fin 2022, 2023.

Vous avez une expérience à l’international, notamment aux États-Unis dans un secteur très différent, mais pensez-vous qu’il y a une manière française de faire de l’industrie ? Si oui, quelle est-elle ? Ayor appartient à cette French Fab ?
A la base, nous n’étions pas un groupe industriel et voilà que, depuis une dizaine d’années, nous investissons dans la remontée de la chaîne de valeur, en faisant l’acquisition d’usines et en en construisant nous-mêmes. Le « fabriqué en France », l’industrialisation en France, c’est quelque chose que l’on vit un peu au jour le jour. Nous ne nous reposons pas sur une entreprise industrielle depuis des générations et notre regard est un peu différent à ce propos. Nous sommes en phase de développement à l’international. Nous réalisons environ 10% de notre chiffre d’affaire à l’étranger et l’on s’aperçoit que c’est en investissant sur l’industrie, sur le savoir-faire et la fabrication que l’on parvient à ouvrir des portes et à se développer encore plus à l’international.

L’innovation passe aussi par une autre manière de penser le travail au sein du groupe. Chez Ayor, vous travaillez par "squad", pourquoi ?
Oui, nous avons fait un constat avec les équipes, il y a quelques années. Nous devions arrêter de faire certaines choses, ou en tout cas les faire évoluer. Nos projets mettaient trop de temps à se mettre en place et à donner des effets. Donc, nous avons organisé des « work shop », des ateliers de travail dans lesquels nous réfléchissions tous ensemble. A travers cette réflexion avec tous les collaborateurs qui travaillent sur les produits (soit une centaine de personnes), nous nous sommes réinventés. Et nous avons fait, tous ensemble, un saut dans l’inconnu entrepreneurial : on a mis en place une organisation qui n’existait pas ou qui pouvait avoir certains échos dans des métiers différents des nôtres. Quand on parle de "squad" aujourd’hui, on pense plutôt à l’informatique ou au digital et pas forcément à une entreprise qui travaille dans le domaine du sanitaire et du chauffage. Nous avons fait le choix du mode collaboratif en nous faisant confiance et en osant passer le pas. C’est un processus qui permet aux collaborateurs d’être beaucoup plus maîtres de leur destin, de s’impliquer énormément, de voir les résultats de leurs actions de manière concrète et efficace. Nous avons raccourci la mise en place sur le marché de nos produits à peu près de moitié ; par rapport à cet objectif, nous avons gagné du temps. L’entreprise, et toutes ses parties prenantes, sont satisfaites. Nous ne connaissons aucun retour en arrière par rapport à cette organisation.

Que vous apporte d’appartenir au réseau Bpifrance Excellence ?
En ce qui concerne les interactions avec Bpifrance, nous bénéficions de la puissance du réseau, de son effet miroir. On a souvent coutume de dire qu’être patron, c’est être souvent seul. C’est vrai. Le réseau Bpi est un miroir, et il y a un phénomène d’échanges et d’ouvertures sur un certain nombre de sociétés, de problématiques, d’enjeux… La vertu, c’est souvent d’être une fenêtre de plus sur un réseau, sur des pratiques et des possibilités.