Polémique après des abus sexuels consentis sur une fillette de 11 ans

27 septembre 2017 à 8h29 par Mikaà«l Livret

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Sait-on dire non à 11 ans? Dans le Val d'Oise un homme de 28 ans devait être jugé hier devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour avoir eu une relation sexuelle avec une pré-adolescente de 11 ans. Malgré une plainte pour viol, le parquet a renvoyé le prévenu pour atteinte sexuelle sur mineure de moins de 15 ans, estimant que la collégienne avait agi sans contrainte.

C'est une affaire qui relance un vieux débat de société. Un jeune homme de 28 ans comparaissait au tribunal correctionnel de Pontoise (Val d’Oise), pour avoir eu des relations sexuelles avec une fillette de 11 ans. Et alors que la famille de la victime a déposé plainte pour "viol", c'est bien pour le simple délit "d'atteinte sexuelle sur mineure de quinze ans" que le prévenu était poursuivit.

« Il estimait qu’elle avait entre 14 et 16 ans »

S’entendre dire qu’elle était consentante pour avoir une relation sexuelle avec un quasi inconnu, c’est une double peine pour ma cliente », déplore Me Carine Diebolt, qui réclame la requalification des faits. L’affaire remonte au 27 avril. Ce jour-là, l’adolescente, scolarisée en 6e, croise en bas de chez elle le prévenu. Tous deux habitent dans la même cité du Val-d’Oise. Selon le récit de la jeune fille, l’homme de 28 ans, père de deux enfants, était déjà venu l’aborder à deux reprises. « Il connaissait parfaitement son âge, assure sa conseil. Elle lui a donné la première fois qu’ils se sont parlés et comme il ne la croyait pas, elle lui a montré son cahier de correspondance. » Ce que nie le prévenu. Lui, assure que la question n’a jamais été évoquée, qu’il estimait qu’elle avait entre 14 et 16 ans.

Sur le déroulé de l’après-midi, en revanche, leurs versions coïncident. Ce jour-là, le prévenu l’invite à la suivre dans son immeuble. La collégienne s’exécute. « Il ne l’a pas forcé à la suivre mais c’est une enfant, elle est naïve. A plusieurs reprises, elle m’a expliqué qu’elle ne pensait pas qu’un homme de cet âge-là pouvait lui faire du mal », explique l’avocate. A peine sont-ils montés dans l’ascenseur qu’il l’embrasse. Puis demande une fellation. L’adolescente s’exécute. « Elle était tétanisée, elle ne savait pas comment réagir », poursuit son conseil. Lorsque le gardien de l’immeuble passe dans le couloir, la jeune fille reste muette. Le prévenu lui demande alors de la suivre dans son appartement où ils auront une relation sexuelle.

Ni menace, surprise ou violence : aux yeux de la justice, elle était d'accord

Le parquet de Pontoise estime que la petite fille, qui a suivi l'homme dans une cage d'escalier puis dans un appartement, subissant deux relations sexuelles, était consentante. En clair : puisqu'elle ne s'est pas débattue, puisque l'homme n'a usé ni de menace, surprise ou violence, alors la victime, aux yeux de la justice, était d'accord.

Mais au-delà du fait divers, cette affaire soulève une question fondamentale : à partir de quel âge la question du consentement d'un enfant se pose-t-elle ? A 11 ans, en l'occurrence, a-t-on la maturité et le recul nécessaire pour reconnaître une agression sexuelle ? Les associations de défense des droits de l'enfant réclament une loi instaurant le principe de non-consentement en dessous d'un certain âge. En pratique, dans les tribunaux, les juges considèrent qu'en dessous de six ans, il n'y a pas de consentement possible. Une limite d'âge entièrement laissée à l'appréciation du tribunal.

Et autours de chez nous ?

Dans de nombreux pays, pourtant, la question de la contrainte ne se pose pas pour les mineurs. Ainsi, en deçà de 15 ans au Danemark, de 14 ans en Allemagne et Belgique, de 13 ans en Angleterre, de 12 ans en Espagne la justice estime que l’acte sexuel relève automatiquement du viol ou de l’agression sexuelle. En novembre 2016, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a préconisé d’instaurer « un seuil d’âge de 13 ans en dessous duquel un(e) enfant est présumé(e) ne pas avoir consenti à une relation sexuelle avec un(e) majeure ». Avis pour l’heure resté sans suite.

En attendant, l'affaire du Val-d'Oise a été renvoyée au mois de février 2018 en raison d’un changement d’avocat. La question de la qualification des faits est désormais aux mains du tribunal. En février, l’avocate de l’adolescente demandera que le tribunal renvoie le ministère public à mieux se pourvoir. Si elle obtient gain de cause, le dossier sera renvoyé à l’instruction. Ce seront alors les juges d’instruction qui, au terme d’une information judiciaire, décideront si les faits relèvent de la cour d’assises (viol) ou du tribunal correctionnel (atteinte sur mineur).