À Montreuil, les parents d’élèves face à l’usine toxique

4 octobre 2017 à 8h21 par Mikaà«l Livret

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Crédit : DR

À Montreuil (Seine-Saint-Denis), des parents d'élèves manifestent ce matin. Ils sont rassemblés devant l'usine SNEM qu'ils accusent de rejeter des substances toxiques, à 50 m d'une école. La semaine dernière déjà un rassemblement avait dégénéré avec la police.

Ils remettent ça ! Une semaine tout juste après un rassemblement houleux, plusieurs dizaines de parents d’élèves se sont rassemblés ce mercredi matin devant l’usine SNEM (Société nouvelle d’eugénisation des métaux) de Montreuil. Ils réclament encore la fermeture de ce sous-traitant d’Airbus et Safran qui utilise du chrome VI, un produit cancérogène interdit, à proximité d’une école. Le rassemblement a donné lieu à de vifs échanges avec le maire. Désormais les parents sont mobilisés devant les grilles de l’école.

Des parents vont porter plainte contre la police

La semaine dernière la police avait évacué « manu-militari » la centaine de manifestants. Ils avaient décidé, mercredi 27 septembre, d’« appliquer le principe de précaution » en bloquant l’usine qualifiée de « toxique » par les parents, située à une trentaine de mètres du groupe scolaire Jules-Ferry (Montreuil).

« L’usine toxique », c’est un bâtiment vétuste qui abrite la SNEM, entreprise spécialisée dans le traitement des pièces mécaniques d’avion. L’usine déclarait produire encore plus de 37 tonnes de « déchets dangereux » en 2015, selon les dernières données du Registre des émissions polluantes. Un site devenu indésirable pour les riverains depuis qu’un cas de leucémie rare (s’ajoutant à deux autres cas en quinze ans dans la même rue, dont un mortel) a été déclaré chez un élève de CM2 avant l’été.

Délogés sans pincettes

Ce mercredi 27 septembre, dans une ambiance globalement calme, banderoles, drapeaux et pancartes à la main, les parents d’élèves font le siège de l’entrée de l’usine. C’est à ce moment qu’une colonne de policiers a investi la petite rue pour les déloger, sans vraiment prendre de pincettes.

« On s’était regroupés devant l’entrée dans une ambiance bon enfant quand un des policiers est arrivé en nous disant : Nous allons faire usage de la force, témoigne Marie Pavlenko. Ils ont commencé à charger en nous écrasant avec leurs boucliers. J’ai eu peur, j’ai crié comme un putois. Un CRS m’a attrapée et jetée à terre comme un sac-poubelle. » Résultat : une fracture de la main droite et une incapacité totale de travail de dix-neuf jours pour la romancière, qui va porter plainte pour « coups et blessures ».

Nicolas Barrot, le président de l’association les Buttes à Morel, qui mène la fronde et alerte les pouvoirs publics sur l’état de la SNEM depuis douze ans, a fait le bilan : six blessés et deux parents menottés et emmenés au commissariat. Ils seront d’ailleurs jugés en mars 2018 pour violences volontaires. Antoine Peugeot, le responsable local de la FCPE, ajoute que des émanations de gaz lacrymogène sont arrivées dans la cour d’école alors que les enfants étaient en récréation.

Pas de risque avéré pour l’État

Quelques heures après l’intervention des forces de l’ordre, un communiqué tout aussi musclé rappelle que « l’Etat ne peut accepter les tentatives de blocages ou d’intimidation organisées par un groupe de particuliers » et « confirme l’absence de risque pour les populations avoisinantes » sur la base de prélèvements effectués cet été. Pourtant, des résultats d’analyses pratiquées par le laboratoire central de la préfecture de police (auxquels Le Monde a eu accès) montrent que des taux anormalement élevés de chrome VI ont été retrouvés dans l’usine, alors même que son activité était limitée.

La SNEM, elle, placée en procédure de sauvegarde depuis le 3 août, est tout de même sous le coup d’une « mise en demeure » de la préfecture depuis le 8 août. Elle a jusqu’à la mi-novembre pour mettre en conformité son système d’aération. Le préfet a fait savoir le 27 septembre que « l’exploitant a déjà satisfait aux deux premières obligations relatives aux déchets ».